J'ai une trentaine d'années, et j'ai l'air d'un baroudeur, avec un corps musculeux et un visage coupé à la serpe, tanné par des soleils brûlants et des climats rigoureux. Je porte une veste de chasse pleine de poches, un pantalon type treillis camouflé, j'abrite ma tête sous un chapeau de cuir très usé. Je possède un lourd équipement visible: un sac à dos, un fusil à rayonnement gros calibre, une pistolet de poing, un poignard, une machette.
Je suis chasseur de monstre. Jusqu'à notre accident d'hier, nous parcourions les différentes planètes de ce bras de la galaxie, avec un compagnon chasseur: Kod'Emra, un Mar'Pak (une race qui est peu appréciée en raison de ses habitudes de nécrophage et de son odeur, mais ça ne me dérange peu). Nous partions souvent dans notre vaisseau spatial afin de chasser les espèces les plus dangereuses et de fournir des trophées aux collectionneurs et aux musées ténébriens. Nous sommes arrivés sur Khobel, aussi bien équipés que possible et bourrés d'armes meurtrières, pour chasser un spécimen de Kavru, qui est une des créatures les plus dangereuses de ce coin de la galaxie. Nous avons posé notre vaisseau en bordure d'un plateau dans une jungle luxuriante qui semblait propice. Nous avons ensuite quitté le vaisseau, je l'ai entouré de son champ de camouflage et de ses protections anti-intrusions, puis nous sommes parti à la recherche de notre proie. Au terme d'un périple épuisant dans la jungle, nous avons fini par rejoindre notre proie et le combat fût épique.
Dans le combat, j'ai été blessé et mon compagnon de voyage a succombé, mais notre proie a finalement été vaincue après m'avoir poussée dans mes derniers retranchements. J'ai donc recouvert mon trophée de la mousse chimique de conservation (qui durcit très vite et empêche la putréfaction) afin de ramener le specimen intact malgré les deux semaines de voyages de retour vers Arkadia, puis j'ai rappelé le vaisseau pour qu'il vienne au dessus de moi et qu'il charge le cadavre du monstre à son bord, mais le vaisseau n'a pas répondu (le vaisseau était il détruit? ou plus probablement, il y avait une présence autour de lui, et les systèmes de sécurité empêchaient les réacteurs de démarrer tant qu'il y avait des gens autour). En revenant dans l'endroit où j'avais planqué mon vaisseau, je me suis aperçu qu'il était entouré de kobolds.
A la différence des planètes où j'ai l'habitude de chasser, il y avait ici une espèce intelligente qui avait su déjouer le champ de camouflage et mettre en court-circuit le champ de répulsion. Je suis donc bloqué ici tout seul avec seulement le maigre équipement que je porte sur moi. Mon trophée de chasse couvert de mousse durcie et le corps de mon compagnon mort ne me serviront plus à rien et je vais être contraint de les abandonner sur place.
Peu sociable avec les hommes, je le suis encore moins avec les femmes, mon seul ami véritable (quoique jamais nous ne nous appellerions ainsi l'un devant l'autre), c'est Jamal, le tenancier de la seule station de carburant de Frontière, station qui se trouve également être un hotel, un bar-restaurant, un magasin de fournitures générales, un bordel, une boite de nuit, et un casino clandestin. Personne ne connaît le nom de famille ou l'origine de mon ami, même pas moi, tout le monde l'appelle juste "Jamal". Il est certain qu'il trempe dans de nombreuses affaires louches et qu'il aime trop l'argent, mais tant que ça ne nuit pas à ses intêrets c'est un ami fidèle et un compagnon de fête parfait. Depuis mon divorce, je ne créées plus de lien avec aucune fille, je me contente de fréquenter les employées de Jamal, sans aucun engagement, et toujours en payant pour leurs services...
Je n'ai pas toujours eu cette vie de vagabond. Avant ma déchéance, à vingt ans, j'étais une sorte de golden boy, l'héritier des affaires florissantes de mon père. Puis, j'ai épousé trop vite Eleanor Kara, une fille trop belle et trop interressée par ma fortune. Après mon divorce et le crash boursier de 41, je me suis donc retrouvé ruiné. Avec la guerre interminable qui s'est engagée contre les Kodas autour des Lunes d'Arkadia (et sur de vastes zones d'Arkadia elle même), mes derniers avoirs ont perdu toute valeur en quelques mois, car ils se trouvés principalement dans les territoires occupés par les Kodas.
Lassé du bruit et de la fureur d'Arkadia, j'ai encore creusé mon découvert bancaire pour acheter un petit vaisseau, puis j'ai fui mes dettes et les procés qui m'attendaient pour aller me réfugier sur la ceinture d'astéroïdes. Là, je me suis livré à ma passion de toujours: la chasse. Plutot que de chasser sur Arkadia, comme je l'avais toujours fait pour mes loisirs, je m'attaquais maintenant à du très gros gibier, peut-être y avait t'il là une volonté inconsciente de me suicider... Toujours est il que j'ai survécu à des chasses terribles, et que j'ai fini par acquérir une solide réputation de chasseur qui ramène toujours ce qu'on lui demande. Si bien que les commandes n'ont pas tardé à affluer, et que j'ai recommencé à amasser un certain pécule.
Afin de faire des économies et de mieux préserver mes specimen, je me suis associé à Kod'Emra, un chasseur et taxidermiste extra-terrestre, un Mar'pak (une race de charognards évités par la plupart des autres races de la galaxie, car rares sont ceux qui aiment les nécrophages). Il était beaucoup moins bon chasseur que moi, mais il était quand même fiable et formait un support appréciable qui nous permettait de chasser des gibiers encore plus gros et d'attaquer des troupeaux de monstres encore plus nombreux. Et surtout, c'était un taxidermiste particulièrement compétent qui préparait des specimen de toute beauté. On aurait juré que les trophées qu'il ramenait étaient encore vivants, juste immobilisés en plein saut...
Mais en fin de compte, ses réflexes trop lents lui ont été fatals. J'ai réagi
avant lui, et notre proie lui a sauté dessus. C'est pour ça qu'il est mort et
que je suis vivant. Paix à son âme (si tant est que les Mar'Paks en aient une).
Je prends quand même le temps de l'enterrer, puis il faut que je me préoccuppe
de ma propre survie et que je rejoigne un endroit civilisé au plus vite, si
possible en récupérant mon vaisseau au passage.